Une Crise migratoire inéluctable et perceptible

8ca2cb5570bd5c4b78783ecc486050a3167f89b2La crise sécuritaire au nord et au centre du Mali, avec son lot de déplacés internes ne fait qu’aggraver un phénomène de déséquilibre déjà inquiétant depuis toujours. Une crise migratoire est déjà perceptible dans les quartiers défavorisés et dans toutes grandes villes du pays.

L’exode est une pratique ancienne, menée autrefois essentiellement par les hommes juste pour la recherche d’argent. Dans la plupart des cas, on part après les récoltes pour revenir au début des cultures (absence d’environ 8 mois). Dans bien des cas, cependant, on ne revient pas avant plusieurs années : on se contente d’envoyer de l’argent.

Bien avant la crise, l’exode touchait de plus en plus de jeunes adolescents (10-15 ans), filles et garçons, pour diverses raisons (pauvreté, chômage, désir d’acquérir des biens de consommation, etc.). Malgré des effets négatifs pour la société (manque de bras valides, soit 80%, maladies, disparition des enfants, morts, traitements inhumains dans leur zone d’accueil).

 

La Ville de Bamako et l’exode rural.

Bamako, la capitale du Mali a atteint les 4,3 millions dhabitants (chiffre que nous considérons en attendant les résultats du recensement général de 2019). Une grande partie de ce peuplement vient de l’exode rural. Les arrivants, en général, vivent dans des bidonvilles, sans aucune (ou presque) infrastructure de santé, d’éducation, de transport, et de santé. Cette situation s’accompagne de son corollaire  de pollution, de maladies, et dinsécurité.

La région de Mopti (2.570.513 habitants) est l’une des premières pourvoyeuses de l’exode.

Avec la crise qui a été amené à son paroxysme courant 2019, le déséquilibre démographique réel, inhérent à l’exode aussi bien dans les régions de départ que les régions et villes d’accueil semble être lénifié, beaucoup sous-estimé. Le traitement médiatique et l’émotion créée par des camps de fortune en plein centre de Bamako, et qui coïncidera quelques mois plus tard avec l’arrivée de l’hivernage, auront suffi à faire ignorer ce que peut être les chiffres réels. Les 800 à 1200 déplacés à Faladiè, ensuite à Senou, ont monopolisé les débats au point qu’on ne voit plus que “le petit bout de l’iceberg” de l’ensemble des déplacés.

Quand les régions de Mopti et de Ségou se vident de leurs populations, ce ne sont pas 800 ou 1200 personnes qu’il faut compter, car chaque parent dans la capital accueille tout ou partie de sa fratrie.

La crise migratoire

LOIM emploie le terme « crise migratoire » pour désigner et analyser les flux migratoires et les schémas de mobilité souvent massifs et imprévisibles provoqués par un conflit ou une catastrophe naturelle. Ces évènements se traduisent généralement par des situations de grande vulnérabilité pour les personnes et les communautés concernées et créent des problèmes aigus et durables de gestion des migrations. Une crise migratoire peut démarrer lentement, avoir des causes naturelles ou dues à lhomme, et se déployer à lintérieur ou au-delà des frontières. En saisissant les schémas de mobilité humaine dans toute leur complexité et en livrant une image plus nuancée des fragilités et autres conditions qui apparaissent dans différents contextes de mouvements involontaires lanalyse dune crise migratoire permet aux  acteurs de formuler une réponse intégrée à la crise, notamment sur le plan humanitaire, de la gestion des migrations, compte tenu des questions de transition et de redressement, de paix et de sécurité, de développement.

L’ampleur des déplacements dans le centre du Mali.

 Selon le Rapport d’OCHA,  les violences liées aux conflits ont atteint un niveau de sévérité jamais égalé dans le centre du pays et font payer un très lourd tribut aux enfants, aux femmes et aux hommes affectés. Plus de 600 civils ont été tués depuis le début de l’année 2019, dans les attaques perpétrées principalement dans la région de Mopti.

Le nombre de personnes déplacées internes fuyant ces violences a quasiment quadruplé dans les régions de Mopti et de Ségou entre mai 2018 et mai 2019 passant de 18 000 à 70 000 ce qui représente 58 pour cent du nombre total de personnes déplacées internes dans le pays estimé à environ 120 000.

Si de nombreux villages se sont presque vidés de leur population, ces partants forcés au départ se retrouvent pour la plupart à Bamako, car ne croyant plus à la sécurité loin de la capitale. La majorité trouve asile chez un membre de son terroir, lui-même très probablement issu de l’exode, ou résident dans un bidonville.

Bamako et certaines grandes villes du Mali se trouvent aujourd’hui au bord d’une catastrophe humanitaire conséquemment au surpeuplement. Pour s’en rendre compte, il suffit de visiter les quartiers périphériques qui grouillent d’enfants dans les rues...

Pendant que tous les projecteurs sont orientés sur les camps de déplacés (800 à 1200 personnes selon les médias), d’abord à Faladiè et ensuite à Senou, le vrai drame pourrait se jouer dans les quartiers périphériques de Bamako. La majorité des déplacés s’y trouve avec femmes et enfants, et ne bénéficient d’aucune prise en charge. “Et Dieu seul sait comment ils vivent”.

Centre du Mali déplacés du centre exode rural faladiè Senou